Des exemples de problèmes d’usabilité
On en rencontre tous les jours, et ce sont souvent des problèmes qui ne sont pas informatique. Combien de fois j’ai pris un raccourci à travers un gazon en marchant! J’ai pensé ici mentionner des situations multi-départementales pour illustrer comment ce n’est pas seulement la tâche des concepteurs.
La carte Opus dans la région de Montréal
J’ai grandi à Laval (en fait c’était Duvernay sur l’île Jésus, fusionnée avec 13 autres villages), et comme vous le savez, il y a une agence de transport différente de celle de Montréal. Ce qui faisait que nous prenions la CTL (après l’autobus Provincial) avec sa tarification séparée, puis la STM (la CTM, la CTCUM), et le métro. Pour se rendre à l’université on prenait la 28 de la CTL pour aller au métro Henri-Bourassa, puis l’autobus 51 à Laurier. Dans le bon vieux temps, on pouvait obtenir de la monnaie directement du chauffeur (il n’y avait que des chauffeurs mâles). On apprenait les horaires ainsi que ceux des alternatives quand on manquait notre bus…
Maintenant que je viens en visite chez ma famille et mes amis, je me trouve dans une situation un peu plus complexe: ils sont tous en banlieue lointaine, et les systèmes de transport encore moins accessible parce qu’il est pratiquement impossible d’habiter là sans voiture.
Un jour je me suis dit que j’allais me procurer un carte Opus, carte à puce similaire à celle que l’on appelle Clipper dans ma région de la baie de San Francisco. Lors de récents voyages au Japon, j’avais aussi acquis une carte à puce Suica qui permettait de prendre les différentes lignes de métro à Tokyo, ainsi que les trains nationaux JR etc. Le système Clipper intègre aussi la vingtaine d’agences autour de la baie (une population équivalente à celle du Québec). Je m’attendais à celà avec la carte Opus… Pour découvrir que je ne pouvais pas y mettre de fonds qui serviraient à prendre les autobus de la rive nord, ou ceux de la presqu’île, car chaque agence utilisait ses propres machines à des endroits bien spécifiques. À la fin, c’était impossible d’utiliser cette carte, c’était plus facile (!) de courir à la recherche de monnaie (sonnante).

Même avant la carte Opus, j’avais eu l’expérience d’acheter les billets de train de l’AMT (maintenant Exo) sur des machines très difficiles à comprendre (une agente était même sortie de sa guérite pour le faire en voyant mon incompréhension). Une fois, alors que je devais prendre un train à la gare Bois-de-Boulogne, une personne me héla de l’autre côté pour m’indiquer que le train arrivait sur le quai “alternatif” et la seule indication était une bande de couleur jaune sur l’horaire…
Tout celà pour dire que les problèmes d’usabilité sont parfois systémiques, et c’est la culture de l’agence ou des agences qui est en jeu. Est-ce que l’on collabore facilement entre les départements et les expertises, ou bien on fonctionne de façon hiérachique, chacun dans son vase clos? Qui prendra l’initiative d’établir un dialogue entre les agences? Est-ce que la personne qui programme le système a la possibilité de faire des scénarios d’utilisation, ou bien on leur a dit de suivre des spécifications et ne pas prendre de temps inutile à aller voir le travail demandé aux usagers du système actuel? Est-ce que quelqu’un a communiqué avec les agents des gares pour comprendre si ça arrive souvent que les usagers sont perdus ou confus? Peut-être qu’il suffirait d’offrir au personnel un moyen simple de signaler ce qui se passe? Un numéro que les usagers peuvent appeler en temps réel pour demander de l’aide (ce qui permet de vouloir diminuer ces appels en simplifiant les systèmes)?
Trop souvent les gens ne s’impliquent pas parce que la hiérarchie est tellement stricte qu’elle ne permet pas aux gens impliqués de discuter et de questionner les méthodes et les systèmes décidés par des gens qui n’écoutent pas. On pourrait tout changer en demandant à tous de faire équipe pour servir l’usager. Je dois dire que c’est difficile pour moi, par exemple, parce que je préfère avoir le contrôle de mes décisions et aussi le plaisir de mes concepts. Mais même si ça pourrait être super plate de s’asseoir devant les machines toute la journée, c’est là qu’on apprend ce à quoi les usagers font face tous les jours, les questions qu’ils ont auxquelles les machines n’ont pas répondu.
Il serait aussi utile d’impliquer son organisme en facilitant le partage d’idées et d’observations. Le brainstorm est souvent difficile selon le caractère des participants, mais si on pouvait donner facilement ses idées sans se sentir jugé.e, et rendre le design une tâche partagée… Mais aussi lorsque l’on modifie un programme, on le fait pour l’usager et non pas juste parce que le boss le demande…
Le bouton pour les piétons
Les inconvénients envers les piétons sont particulièrement grands en Amérique du Nord, et il existe dans certaines villes des organismes dédiés à améliorer cette situation. Je me dis souvent que les personnes qui font le design des trottoirs et programment les feux aux intersections vivent probablement en banlieue et vont au travail en voiture… Mais aussi, il en relève d’un design pour les usagers, et la personne qui fait le design ne va jamais vérifier comment les usagers l’utilisent.
Mon exemple suggère le même type d’interaction qu’un usager rencontre avec un ordinateur. Disons que l’usager piéton arrive à une intersection. Tout d’abord, y a-t-il un feu spécifique aux piétons? Ensuite, comment marche-t-il? Y a-t-il un bouton à presser quelque part? Est-ce que ce bouton indique la présence du piéton pour traverser dans un sens ou dans l’autre? Est-ce que le bouton marche? Est-ce qu’il y a des indices pour dire au piéton quand le signal va changer?
Une intersection près d’ou j’habite a été récemment refaite, et la séquence des feux modifiée. Généralement tout est prévisible, on sait quand notre feu changera, et c’est à une fréquence tolérable. Une personne comme moi accélère ou décélère en approchant de l’intersection selon l’état du feu (est-il trop tard pour traverser, ou bien est-ce qu’il est vert dans l’autre direction mais bientôt rouge, etc.). Tout allait bien jusqu’au soir… Quand les feux pour les piétons ne changeaient jamais du rouge. On voyait que les feux pour les voitures changeaint selon la présence des voitures (il y a des caméras). La nouvelle tâche de l’usager pourtant bien entraîné jusqu’à maintenant: presser le bouton. Il fallait le deviner. Ils ont dû avoir des plaintes parce que le système a changé et fonctionne de la même façon le jour et la nuit.
Une intersection à Ste-Thérèse de Blainville près de chez ma soeur gagne le prix de la pire en terme d’usabilité. Comme ma marche est longue (plusieurs kilomètres), c’est particulièrement frustrant de devoir attendre plusieurs minutes, et j’ai tendance à ignorer les feux. Il y a un seul bouton pour les deux directions, et il est du type qui ne donne pas de feedback, ce qui fait que l’usager n’a pas d’idée s’il marche ou ne marche pas. Ce doute subsiste en voyant le feu changer pour les voitures dans chaque direction, et il dure longtemps. Un jour j’ai compris que l’effet du bouton était que la machine prenait note… Et allait insérer une séquence verte pour les piétons dans les deux directions, mais à la fin (ou au début) de son cycle complet. Comme le cycle est très long, le piéton aura l’occasion de noter que les feux pour les voitures est bien suffisant pour traverser à pied. Je ne me donne plus la peine de presser ce bouton.
Les produits qui sont tout noirs
Ils sont partout, ces systèmes électroniques en plastique noir avec de petits boutons d’un côté ou de l’autre qui ont une forme comme s’il fallait qu’ils soient invisibles. Allez voir votre télé, le système de son, le DVD, par exemple. Le noir est devenu une demande du Marketing, ils ont trouvé que le consommateur voulait cela (c’est une valeur plus sûre, ça ne se salit pas, ça ne dit rien sur sa personne et ses goûts). Les designers adorent les surfaces lisses, les ingénieurs adorent couper les coûts en n’utilisant que des interrupteurs très simples (un contact entre deux minces bande de métal, l’une servant aussi de ressort).
Ces produits sont souvent utilisés dans la noirceur ou sinon dans un coin peu illuminé. La légende (qui dit ce que le bouton fait) est gravée en petits caractères, les boutons ont tous la même forme. Mais bon, vous me direz qu’il fallait acheter des piles de rechange… Ce qui m’amène à penser à la complexité de mon système de son (qui a même assez de capacité pour offrir une interface sur le réseau, mais qui reste si mystérieux et énigmatique quand on essaie de se souvenir comment on a changé la source du DVD de HDMI 2 à analogue (vidéo et son) temporairement parce que la télécommande du BlueRay ne marchait plus et qu’on avait l’ancien DVD qui marchait.
Notamment je vois que les produits haut de gamme (comme MacIntosh que l’on voit dans les publicités) n’ont pas ces caractéristiques… Ils sont restés avec les couleurs claires et les boutons et contrôles avec des qualité tactiles (que l’on appelait haptic feedback – le fait qu’un bouton clique bien pour dire à la personne qu’il marche).
Ceci illustre le compromis du bas prix, mais les améliorations n’ont pas besoin d’être dispendieuses. Pour aider une amie aveugle, j’avais collé des repères sur des boutons du micro-onde. On trouve encore des étiquettes Dymo (qui s’en souvient) qui donnent une impression tactile et aussi en meilleur contraste blanc sur noir.
Notez ceci sur votre ordinateur, lorsque vous déplacez le pointeur de la souris vers un icône: l’icône devient ombragé, puis on aura un tooltip pour vous dire ce que fait l’icône, ou bien même on vous montre une version réduite de la fenêtre reliée à l’icône. Ces caractéristiques sont venues par considération des usagers, en testant ces solutions avec des usagers, en s’inspirant aussi de mécaniques traditionelles (le clic qui fait que vous savez que c’est verrouillé).